L'Andalousie, Terre d'oliviers
Publié le 21 Avril 2012
Nous avons passé quelques jours à Villanueva de Algaidas (Andalousie) chez Juan Pedrosa, producteur d’olives. Cet agriculteur nous a accompagné durant 3 jours à la découverte de la culture des olives : du champ à l’usine de transformation.
L’Espagne est le premier pays producteur d’olives (31% de la production mondiale) et à elle seule l’Andalousie représente 19% de la production mondiale. Ce sont 1 400 000ha d’oliviers, soit 33% de la surface cultivée au monde, qui forment ce paysage si particulier. Dans la petite ville de Villanueva de Algaidas, la filière olive représente l’essentiel de l’économie. Les habitants, s’ils ne sont pas commerçants, sont producteurs d’olives, ou travaillent à la coopérative ou à l’usine d’embouteillage de l’huile d’olive.
La culture de l’olive :
Dans cette région, la variété principalement cultivée est l’Hoji Blanca, reconnaissable à ces petits yeux blancs sur l’olive. C’est la variété locale, cultivée depuis l’époque romaine (des noyaux fossilisés ont été retrouvés sur un moulin datant de cette époque). Certaines variétés d’olives sont préférées pour l’olive de table (ramassées plus précocement en règle générale), d’autres sont essentiellement cultivées pour être transformées en huile.
L’olivier est un arbre étonnant : une branche d’un diamètre de 5 à 10 cm placée dans la terre redonnera un nouvel arbre. La greffe n’est pas pratiquée. Toutes les parcelles dites traditionnelles ont été plantées de cette manière. La densité y est de 60 à 100 arbres par hectare. Un olivier centenaire n’est pas exceptionnel sur ces parcelles. Dans les champs cultivés plus intensivement, la densité d’arbres atteint 150 arbres/hectare. L’oléiculteur installe sur sa parcelle des plants d’oliviers âgés de un an. Les arbres ne produisent pas ou peu d’olives durant les deux premières années et sont arrachés vers la quinzième année. En effet, l’espacement entre les arbres n’est pas suffisant pour les cultiver sur une période plus longue, les arbres sont trop proches et ne produisent plus assez du fait d’une compétition pour un accès à l’eau et à la lumière. Plus récemment, des oliviers ont été plantés suivant le modèle d’un verger : les lignes sont espacées de 5m, les arbres sont plantés tous les mètres. La densité approche les 250 arbres par hectare.
Un verger d'oliviers
La taille de l’olivier s’effectue tous les deux ans en fin d’hiver/début de printemps. La production d’olives est doublée l’année où ils ne sont pas taillés. Par exemple la production d’olives de Juan s’élève à 58 tonnes, en année de forte production, et à 25 tonnes l’année suivante. Cette taille nécessite de l’expérience, on ne taille que les branches se trouvant à l’intérieur de l’arbre. En effet, le soleil brûle les surfaces exposées à ses rayons. Il faut donc veiller à ce que toute l’écorce soit à l’ombre, protégée par des branches plus périphériques. Les fleurs n’apparaissent que sur les pousses de l’année. Plus la pousse est longue, plus il y a de fleurs produites et donc plus la production d’olives sera importante.
La pousse de l'année porte les bourgeons floraux
L’olive se récolte de l’automne au printemps en fonction de la variété et de la précocité (différence d’altitude principalement). Il n’est pas rare de trouver simultanément des bourgeons et des fruits sur le même arbre. Dans les plantations traditionnelles, où les troncs sont bien développés, la récolte se fait à l’aide d’un tracteur et d’une pince vibrante qui secoue l’arbre. Les olives tombent sur un filet placé au sol. Quand les arbres sont plus jeunes et pour les plus petites exploitations, la récolte se fait par une machine vibrante portative. D’autres technologies sont aujourd’hui développées comme la machine « parapluie » qui permet de récolter l’arbre en une seule fois. Des études sont encore menées par l’université de Cordoba pour améliorer ces techniques de récolte, afin d’être efficaces tout en évitant d’abîmer l’arbre. La production d’olives par arbres est très variable mais un arbre bien développé peut produire jusqu’à 100-150 kg d’olives.
Récolte des olives tombées sur le filet posé au sol
La coopérative Hoji Blanca de Villanueva
Une fois récoltées les olives sont transportées jusqu’à la coopérative.
La nouvelle coopérative construite en 2000 était, à l’époque, la plus grande coopérative du monde pour l’huile d’olive. Jusqu’à un million de tonnes d’olives y sont traitées chaque année.
Les olives sont déchargées, et après élimination des feuilles et autres impuretés, elles sont pesées. C’est à ce moment qu’un échantillon est prélevé pour l’analyse qualitative au laboratoire, où la teneur en huile est déterminée pour le lot. Le montant versé au producteur se calcule en fonction de cette teneur. Après la pesée, les olives sont transportées jusqu’au moulin pour être transformées en huile. Elles sont d’abord triturées, puis passent dans une mélangeuse pendant 1 à 2 h à 30-35°C. Une première centrifugeuse sépare l’huile de première qualité du reste. Cette huile est stockée dans des décanteurs de 26 tonnes pendant un minimum de 48h. Le dépôt est retiré une première fois. Pour obtenir l’huile « extra vierge », une deuxième décantation est nécessaire.
Les dépôts tirés de la décantation, ainsi que le broyat ayant servi à la première extraction, sont chauffés à 40-45°C avant de subir une nouvelle centrifugation. L’huile alors produite sera de qualité inférieure, car la température de chauffage altère les molécules aromatiques.
Les opérations de décantation, ainsi que le stockage, se font à une température optimale de 18°C et à l’abri des rayons du soleil.
Les saveurs obtenues sont fonction de chaque variété, et sont relativement constantes d’une année sur l’autre.
Dans le processus de transformation en huile, rien n’est perdu dans l’olive : après la 2ème centrifugation, noyaux et pulpe sont séparés. Le broyat de noyaux est d’abord séché, et sert par la suite, à alimenter une chaudière.
La gamme d'huiles Hoji Blanca
Les problématiques liées à la culture d’oliviers
L’olivier est un arbre adapté au climat méditerranéen, il n’aime pas l’humidité et tolère mal le gel. On le constate sur les parcelles andalouses, les oliviers plantés en zone humide sont bien moins développés que les autres et cette année, beaucoup d’arbres ont souffert du froid (feuilles jaunies/noircies).
Les allées entre les oliviers sont souvent labourées pour maintenir la parcelle « propre ». Mais dans les parcelles en pente, les conséquences de l’érosion sont flagrantes : une petite rigole se change rapidement en fossé de plusieurs centimètres après un épisode de fortes pluies. Un suivi des pertes de sol a permis d’identifier des fuites annuelles allant jusqu’à 200 tonnes/ha. Afin de lutter contre la formation de ravines, les agriculteurs y empilent des branches ou des pierres. Mais ce traitement palliatif est peu efficace. Des essais de couvertures végétales permanentes sont en cours pour maintenir le sol. Ces couvertures sont ensuite détruites mécaniquement ou chimiquement afin de limiter la concurrence pour l’eau pendant la période de floraison des oliviers.
Apparition des premiers problèmes d'érosion dans une parcelle d'oliviers
Système de quantification de la perte de sol sur une parcelle d'oliviers
Et l’agroforesterie dans tout ça ?
Nous avons rencontré Maria Dolores Carbonero qui nous a fait découvrir la région oléicole de Pozoblanco (Nord de Cordoue). Les oliveraies des montagnes sont un héritage historique ; elles ont près de 500 ans et sont très étendues. La parcelle que nous avons visitée possède 100 oliviers par hectare, avec une production faible comme toutes les oliveraies de la zone. Un olivier donne 15 à 20 kg d’olives par récolte, et la pérennité de ces cultures est mise en question. Ainsi beaucoup de producteurs se lancent dans la certification biologique. Mais l’entretien de la couverture végétale naturelle au pied des arbres est problématique sans herbicides : le labour est difficile en zone de grande pente, et accentue de plus les phénomènes d’érosion.
L’alternative envisagée par l’université de Cordoue est de développer l’élevage et le pâturage ovin dans ces zones à faible rendement. Les olives sont récoltées précocement en Novembre, et les olives plus tardives sont consommées par les animaux. Cette diversification offre de nombreux avantages : nouvelle source de revenu, et simplification de l’entretien des parcelles. Les animaux maintiennent l’herbe rase et taillent les rejets au pied des oliviers. Cependant cette association doit être raisonnée afin de ne pas abîmer les sols par un surpâturage. Les moutons peuvent aussi augmenter la propagation de maladies en abîmant les écorces si l’herbe n’est pas suffisante.
Les oliveraies pâturées de la région de Pozoblanco